« ...avec les grandes forces de résonance, celles
du ciel et de la terre celles qui nous relient aux autres, celles
qui connectent au mystère d’être en vie, et à témoigner
de ces forces d’impact.Toutes
choses vitales qui nous concernent intimement et mobilisent
la musique de nos
sentiments, comme elles ont déclenché les chants des
peuples les plus primitifs.
Renouer déjà avec l’état d’esprit qu’évoquait
une femme chamane à l’explorateur Rasmussen : « les
chants naissent dans le silence, tandis qu’alentours toutes les pensées
se concentrent sur des choses magnifiques. Puis ils prennent forme dans l’esprit
des hommes, et montent comme des bulles des profondeurs des mers, des bulles
cherchant de l’air pour pouvoir exploser. C’est ainsi que se créent
les chants sacrés. »Découvrir qu’il suffit peut-être
de se rendre disponible à ces « choses magnifiques »,
de se poser dans le silence pour être à l’écoute de
son paysage intérieur et de ses mouvements de vie qui sont parfois, si
on en tient compte, comme une cascade rafraîchissante, une crue de boue
fertilisante, un orage fulgurant ou encore comme une fleur en train de s’ouvrir,
une traînée de nuages intangibles caressant une montagne immuable.
Impressions, sentiments, émotions qui sont à l’image de la
nature dans la mesure où leur mouvements intérieurs ne sont plus
jugés et donc réprimés. C’est cela le mouvement du
souffle. A nous de travailler à trouver le chemin de notre nature intérieure
et d’en chanter les sinuosités ».
Bénédicte Pavelak
Extrait de Rencontre avec le Vide, article de la revue Art et Thérapie,
septembre 2003
«Un son juste est un son vrai : réel, authentique,
propre, conforme, fidèle, intègre... ( …)Lorsqu’un être
vibre un son, sans aucune référence de fréquence
(il ne lui est soumis aucune note à reproduire) il chante
juste lorsque le son vibré « à l’extérieur » s’accorde
avec la fréquence « intérieure » c’est-à-dire
l’état, l’émotion, le ressenti. Il chante
juste lorsqu’il extériorise sans déviation,
sans parasitage la qualité vibratoire de son intériorité.
Le son juste est un son chargé, investi d’un ressenti. »
Maela Paul, Leçons
du silence, méditation sur les arcanes du son et les lieux
du chant.(ed. Dévy)
« La cosmologie chinoise est fondée sur
l’idée du Souffle à la fois matière et esprit.
Le souffle primordial assurant l’unité originelle continue à animer
tous les êtres, les reliant en un gigantesque réseau d’entrecroisements
et d’engendrement appelé le Tao, la Voie. (…) Le Souffle
primordial se divise en trois types de souffles qui agissent concomitamment :
Le souffle Yin, le souffle Yang, et le souffle du Vide Médian- qui
tire son pouvoir du souffle originel.(…)
Le Vide est le lieu où se régénère le Souffle (…).
Première conséquence : à cause de la nature dynamique
du Tao, et surtout de l’action du Souffle qui assure depuis l’origine
et de façon continue le processus qui va du non-être vers l’être,
le mouvement de la vie et notre participation à ce mouvement sont toujours
un permanent et mutuel jaillissement, comme au commencement.
Deuxième conséquence : Le mouvement de la vie est pris dans
un réseau de constants échanges et d’entrecroisements. On
peut parler là d’une interaction généralisée.
Chaque vie est reliée, même à son insu, aux autres vies.
Et chaque vie, en tant que microcosme, est reliée au macrocosme dont la
marche n’est autre que le Tao.
Troisième conséquence : au sein de la marche du Tao, qui est
tout sauf une répétition du même, l’interaction a pour
effet la transformation. »
Extrait de la « quatrième méditation »,
in Cinq méditations sur la beauté, de François Cheng (ed.
Albin Michel)
«
Retrouver le silence implique de désamorçer notre habitude impulsive
de répondre (…). Il est en soi, dans l’espace du cœur.
Il n’y a pas de silence là où il n’y a pas d’espace.
Le manque d’espace intérieur engendre l’agressivité,
la déprédation, la revendication d’un territoire et de frontières…L’homme,
confronté au vide, cherche soit à le remplir soit à le fuir.
(…) La rencontre est intime, fugace. Mais il y a dans le vide une animation
invisible, un souffle de présence qui fait du vide une plénitude.
Vide et plénitude sont les deux opposés qui aspirent à trouver
en l’être leur résolution unifiée (…)Le vide
est ce qui permet aux forces de circuler, aux formes de se métamorphoser.
Nous sommes donc appelés à « dénouer les nœuds » qui
endiguent les souffles, et en amont à « entrer dans le silence ».
Pas un silence « entre » ou un silence fermé. Mais
un silence tel que l’on peut entendre dans une église vide, dans
le marais à l’aube, enveloppant l’arbre et soutenant l’oiseau
dans son vol… »
Maela Paul, leçons du silence,
méditation sur les arcanes du son et les lieux du chant
(ed.Dervy).
«
Dans le décloisonnement des mondes et des époques, l’homme
d’aujourd’hui, en s’échappant de sa tradition,
trouve toutes les autres traditions.
(…)Cela constitue en même temps une énorme stimulation
et un défi pour la santé et l’équilibre de l’être
humain.Mise à part la possibilité du rejet en bloc de ce brassage
cosmopolite, trois voies s’ouvrent à l’homme moderne :
Il peut adhérer à une mosaïque de croyances, accumuler
des recettes, dans un syncrétisme qui reste intellectuel.
Il peut opter pour une voie spécifique et suivre le trajet virtuose
d’un art ou d’une pratique traditionnelle), s’identifiant à ses
maîtres jusqu’à leur ressembler physiquement.
Il peut enfin rentrer dans l’expérience de l’être,
au-delà de toute appartenance culturelle, et retrouver en lui l’Africain,
le Japonais, l’Indien, le Slave…etc qui sommeillent en lui et
qui correspondent chacun à une gamme particulière, une fréquence
constitutionnelle, un moment précis de l’évolution de
l’être. Dans cette attitude où l’homme laisse se
manifester les tonalités de sa palette intérieure, se dégage « l’essentiel
unique » qui se dit à travers la multiplicité.
Du développement des hommes à l’engendrement d’un
Homme, il peut ainsi suivre les lignes de pliage et de dépliage de
l’être humain, faire et refaire les chemins du redressement,
des premiers pas, onomatopées, gestes sur le fil de l’équilibre,
de l’expression articulée à un son tenu, à un
mot. Contacter dans l’archaïque, l’ancestral, le tribal,
la face invisible de l’homme pour la laisser de plus en plus se manifester.
Devenir transparent à sa raison d’être, à ses résonances
d’être, chacun de ses gestes devenant mouvement de l’âme :
articulation d’un chant du corps et d’une danse de la voix.
C’est le développement de cette sensitivité qui fait
l’enracinement. Articulation entre espace intérieur et monde
extérieur, lieu de la simplicité et de la profondeur, le corps
est ce témoin résonnant, terrain par excellence de l’expérience
de l’être. Plus l’environnement matériel, la présence
de la matière se font pesants, plus vivre rime avec vibrer. Il y a
comme un élan pour ajuster la fréquence de la matière à celle
de l’esprit, la fréquence du corps à celle de l’âme.
Bénédicte Pavelak
Extrait d’article dans la revue « Art et Thérapie»,
Mai 1992.
« L’acceptation, clé d’un possible dénouement,
ne sollicite nullement le mental. Elle ne se prononce pas du bout des lèvres
ni même à voix forte, histoire de théatraliser. Elle est
communion intime avec ce qui est. Et « ce qui est », ce
n’est pas l’évènement, c’est l’état
de souffrance. Il s’agit non plus de décrire la situation (que l’on
prend pour la cause), mais d’écouter ce qui est ressenti aujourd’hui
là en ce moment.(…)
Ce qui est demandé là, maintenant, c’est d’être
Un avec ce qui est, de communier de tout son cœur avec ce qui est étreint.
C’est un acte profond d’écoute de soi-même. »
Maella Paul, Leçons du silence.
(ed. Dervy.)
« Voilà peut-être que le « être sans
vouloir » c’est ce « laisser aller comme la vie va » (…).Suivre
le destin, la respiration du jour, une adhésion totale à l’instant, à l’univers
vivant.
(…) Cela paraît si simple ! Mais croyez-moi, pour parvenir à « être
sans vouloir », cela demande une activité intense, l’air
de rien. Un sans-vouloir naturel, libéré de la pensée raisonnante,
de la raison analytique, des dogmes moraux, des automatismes de perfection, de
la préoccupation des apparences. Il s’agit bien de tout oublier
de cet état d’être là. Tout oublier jusqu’à l’abandon
du moi pour un temps. Oublier ce que l’on croit être car c’est
une prison qui nous laisse que peu de chances de découvrir nos territoires
inconnus(...).
Le « non-vouloir » n’est-ce pas la pratique secrète
de la recherche de l’être véritable dans une attitude première
de non-être ?
Celui qui m’a fait comprendre cette idée ô combien déroutante
c’est ce génial cordonnier d’un petit village en Allemagne
du XVIIe siècle, maître Jacob Böhme qui dit : « Lorsque
tu te tiens dans le repos du penser et du vouloir de ton existence propre, alors
l’ouïe, la vue et la paroles éternelles se manifestent en toi ».
Entretien avec Fabienne Verdier, Charles Juliet (Albin Michel)
«
L’attente est une fleur simple. Elle pousse au bord du temps. C’est
une fleur pauvre qui guérit tous les maux. Le temps d’attendre
est un temps de délivrance. Cette délivrance opère en
nous à notre insu. (…) Sans doute l’avez-vous remarqué :
notre attente - d’un amour, d’un printemps, d’un repos-
est toujours comblée par surprise. Comme si ce que nous espérions était
toujours inespéré. Comme si la vraie formule d’attendre était
celle-ci : Ne rien attendre,-sinon l’inattendu. Ce savoir-là me
vient de loin. Ce savoir qui n’est pas un savoir, mais une confiance,
un murmure, une chanson. Il me vient du seul maître que j’ai
jamais eu : un arbre. Tous les arbres dans le soir frémissant.
Ils m’instruisent par leur manière d’accueillir chaque
instant comme une bonne fortune. L’amertume d’une pluie, la démence
d’un soleil, tout leur est nourriture. Ils n’ont souci de rien,
et surtout pas d’un sens. Ils attendent d’une attente radieuse
et tremblée. Le monde entier repose sur eux. Le monde entier repose
sur nous. Il dépend de nous qu’il s’éteigne, qu’il
s’enflamme. Il dépend d’un grain de silence, d’une
poussière d’or, de la ferveur de notre attente. »
Christian Bobin, Eloge du Rien (ed. Fata Morgana)
Nous avons plongé dans l'Essence
et fait le tour du corps humain
Trouvé le cours de l'univers
tout entier dans le corps humain.
Et tous ces cieux qui tourbillonnent
et tous ces lieux sous cette terre
Les soixante dix mille voiles
dans le corps humain découverts
Et la nuit ainsi que le jour
et les sept étoiles du ciel
Les Tables de l'initiation
sont aussi dans le corps humain.
Ce que dit Yunus est exact
et confirmés furent ses dires :
Là où va ton désir est Dieu,
tout entier dans le corps humain.
Yunus Emré, poète soufi du XIIIe siècle,
Anatolie.